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Publié le : 28/03/2022 19:03:17
Catégories : Actualité du CBD
Fin d’année 2021, le monde du CBD s’avérait plutôt serein, suite à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en novembre 2020, de la Cour de cassation en juin 2021 et du procès Kanavape en novembre 2021. Pourtant le 31 décembre, alors que personne ne s’y attendait, coup de théâtre : le nouvel arrêté, interdisant les fleurs de cannabidiol, paraît au Journal Officiel. Mais sans attendre, les associations étaient sur le pied de guerre, plus déterminées que jamais. Alors, qu’en est-il à ce jour avec la loi autour du CBD en France ?
Comme détaillé dans un précédent article, l’année 2021 fut riche en rebondissements et espoirs pour une loi plus claire. Revenons rapidement sur les divers aléas autour du cannabidiol.
Le 19 novembre 2020, la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) condamne la France : « Un État membre ne peut interdire la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines ». Les juges européens estiment que l’interdiction de la molécule en France est illégale. Ceux-ci invoquent la libre circulation des marchandises et souligne que le cannabidiol ne peut pas être considéré comme un stupéfiant : « d’après l’état actuel des connaissances scientifiques, dont il est nécessaire de tenir compte, à la différence du tétrahydrocannabinol, le CBD en cause n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ».
Le 23 juin 2021, la cour de cassation, plus haute juridiction française, s’appuie sur l’arrêt de la CJUE et casse la décision de la Cour d’appel de Grenoble. Celle-ci avait condamné le gérant d’une boutique de CBD pour détention, offre et acquisition de produits stupéfiants.
Le 20 juillet 2021, la France dépose un projet d’arrêté visant à réviser celui du 22 août 1990, auprès de la commission européenne. Celui-ci prévoit d’étendre l’autorisation de culture, d’importation, d’exportation et d’utilisation industrielle du chanvre à toutes les parties de la plante. En revanche, il interdirait la vente de fleurs ou de feuilles brutes aux consommateurs.
Le 12 novembre 2021, le nouvel arrêté de la MILDECA est rejeté par la Commission Européenne. La Cour de justice demande à la France de modifier son approche.
Le 17/11/2021, Sébastien Beguerie et Antonin Cohen-Ada, les fondateurs de Kanavape (1ére cigarette électronique au CBD) sont relaxés par la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Celle-ci a pris acte de l’arrêt de la CJUE de novembre 2020. En effet, celle-ci avait été saisie, en 2018 par la cour d’appel, sur la compatibilité de la réglementation française avec celle de l'UE.
Le 2 décembre 2021, la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) européenne est définitivement adoptée. Celle-ci prévoit la hausse du taux maximal de THC dans le chanvre à 0,3 %. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2023.
Le vendredi 31 décembre 2021, c’est la consternation générale. Le jour du réveillon de la Saint-Sylvestre, la France choisit une nouvelle fois de se distinguer en publiant le matin même au Journal Officiel, un nouvel arrêté portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique. Celui-ci interdit « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation ». « Les fleurs et les feuilles ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre ».
L’interdiction est justifiée comme une décision de santé et d’ordre public. Les policiers, gendarmes et douaniers ne seraient pas en moyen de différencier le THC et le CBD. Alors qu’en Suisse, la police est équipée, depuis 2018, de tests spécifiques très simples à employer. En 30 secondes, les forces de l’ordre sont informés s’il s’agit de la molécule de cannabidiol ou de tétrahydrocannabinol.
Les acteurs de la filière sont perplexes. Cette décision s’avère contraire à l’arrêt de la CJUE, à la jurisprudence Kanavape et à celle de la Cour de cassation.
La publication contient toutefois un point inattendu. Le taux limite de THC passe de 0,2 % à 0,3 %. Le texte précise « sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France ». Les autorités françaises choisissent ainsi d’anticiper la hausse du taux prévue dans la nouvelle PAC de 2023/2027.
Cette décision est un désastre économique pour toute une filière. Elle place les acteurs en position de dépendance vis-à-vis des industriels de l’extraction et condamne les quelques 600 exploitations françaises à disparaître. Le marché annuel du CBD dépasserait le milliard d’Euros en France.Des milliers de commerçant se sont installés dans le pays ces dernières années. La fleur de cannabidiol représenterait 50 % à 70 % de leur chiffre d’affaires.
En revanche, le gouvernement offre une aubaine sans conteste aux détaillants étrangers et au marché noir.
Mais l’ensemble des associations fait front commun pour défendre le chanvre libre et dénoncer une règlementation totalement aberrante et incohérente.
Les actions ne se font pas attendre.
Dès le 03 janvier 2022, l’UPCBD (Union des Professionnels du CBD) dépose un référé-liberté contre l’interdiction des fleurs de cannabidiol. Cette procédure d’urgence confronte le texte aux principes des libertés individuelles d’entreprendre, du droit de propriété et des libertés personnelles des industriels comme des consommateurs. L’avocat Charles Morel, président de l’UPCBD, mobilise les juristes Yann Bisiou et Xavier Pizarro. Le Conseil d’Etat n’aura pas à délibérer sur le fond, mais pourra suspendre l’arrêté.
Un référé liberté peut être utilisé en urgence si une décision administrative porte atteinte de manière grave et illégale à une liberté fondamentale. Le juge doit alors se prononcer dans les 48 heures.
En parallèle, un référé suspension est également engagé par l’AFPC, le syndicat du chanvre, l’UPCBD et l’organisation L630.
Le 04 janvier 2022, le député François Michel Lambert convoque le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin en audition publique à l’Assemblée Nationale, pour le 06 janvier. Le ministre devra répondre aux questions de divers spécialistes dans le cadre de « la Semaine de contrôle du gouvernement ».
Le 05 janvier, les recours devaient être jugés auprès du Conseil d’Etat, ce sera finalement reporté au 14 janvier. La demande de suspension est visiblement prise très au sérieux, l’Etat s’organise et réunit divers juges pour délibérer.
Le 06 janvier 2022, le ministre de l’intérieur Darmanin était attendu à l’assemblée devant les députés, qui ont fait valoir leur « Droit de Contrôle ». Mais Darmanin et son assistante Marlène Schiappa n’ont pas daigné faire le déplacement. A la place, Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement était présente pour lire un texte visiblement rédigé à l’avance.
Le 28 juillet 2021, l’AFPC (Association française des producteurs de cannabinoïdes) avait déposé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) au Conseil d’Etat, qui fut renvoyée le 08 octobre au Conseil constitutionnel. Le 07 janvier 2022, la QPC est débouté, « le Conseil Constitutionnel juge conforme à la Constitution les dispositions présentes dans l’article L. 5132 du Code de la santé publique concernant la mise sur le marché des produits chimiques, et la définition des stupéfiants ».
Le 12 janvier 2022, le SPC (Syndicat Professionnel du Chanvre) dépose un recours en excès de pouvoir, au Conseil d'Etat.
14 janvier 2022, jour J, un ensemble de 7 requêtes demandent la suspension de l’arrêté du 30 décembre 2021. Béchir Saket, directeur de l’association L630, est présent aux côtés de Julien Bayou, avocat et président du parti Écologiste, de Yannick Jadot, candidat des verts à la présidentielle et de son porte-parole. Les meilleurs avocats français, défenseurs du CBD, Charles Morel, Xavier Pizarro, Ingrid Metton, Aurélien Delecroix se tiennent face aux juges du Conseil d’Etat. Divers représentants de l’Etat assurent la défense pour la MILDECA et le ministère de la santé, notamment. Ceux-ci tentent, tant bien que mal à se défendre face aux arguments solides et structurés des requérants. Le Conseil d’Etat promet de rendre son verdict la semaine suivante.
Vendredi 21 janvier 2022, la filière CBD demeure toujours dans l’attente d’une décision, mais le tribunal administratif annonce qu’il n’en sera rien à ce jour.
Le 24 janvier 2022 est une date historique. Enorme soulagement pour toute une filière, les juges du Conseil d’Etat invalident l’interdiction de la vente et de la consommation de fleurs de CBD. Le communiqué de presse du Conseil d’Etat indique « l’interdiction de vendre à l’état brut des fleurs et feuilles provenant de variétés de cannabis sans propriétés stupéfiantes est suspendue. Saisi par des commerçants du secteur, le juge des référés du Conseil d’Etat suspend à titre provisoire l’interdiction de commercialiser à l’état brut des fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis, alors même que leur teneur en THC est inférieure à 0,3 %. Le juge relève que ce seuil, en dessous duquel les produits sont dépourvus de propriétés stupéfiantes, est celui que retient la réglementation pour autoriser la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de certaines variétés de cannabis. » Le juge des référés estime « qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de cette mesure d’interdiction générale et absolue en raison de son caractère disproportionné […] Il n’apparaît pas, au terme de l’instruction contradictoire et des échanges qui ont eu lieu lors de l’audience publique, que les fleurs et feuilles de cannabis sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 % présenteraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction totale et absolue ».
Le CBD s’avère donc, à ce jour, tout à fait légal. Par la suite, le Conseil d’Etat devra statuer au fond. Selon les avocats, cette procédure peut durer de plusieurs mois jusqu’à 1 an et demi, ce qui laisse un peu de répit à tous les acteurs du chanvre.
Le combat se poursuit donc pour obtenir une réglementation claire et pragmatique. La filière reste très prometteuse et dispose de tous les atouts pour se développer en France. Qui plus est, la plante de cannabis présente des atouts écologiques non négligeables. Du producteur jusqu’au détaillant, une traçabilité sûre, des circuits courts peuvent être privilégiés pour des produits de haute qualité.
Le travail continue pour améliorer la loi… Le 10 février se tenait un colloque à l’assemblée Nationale à l’initiative des députés François-Michel Lambert et Jean-Baptiste Moreau. La filière chanvre était réunie pour débattre sur les problématiques, les enjeux, la production française et trouver des solutions d’avenir. A l'issue de la journée, les organismes ont signé un accord de principe pour la promotion du cannabidiol français. Ils espèrent d’ici la fin de l’année, produire 50 % de tous les produits bruts ou transformés en France.
Le 25 février, l’AFPC a déposé un recours auprès du Conseil d’Etat afin d’annuler un article de l’arrêté. En effet, celui-ci entraverait le développement prospère de la filière. Les mesures concernent le bouturage des plants de chanvre et l’obligation de contrat écrit entre producteurs et acheteurs pour l’achat de fleurs et de feuilles.
Un avenir meilleur pour l’univers du CBD est assurément en marche, soyons les acteurs d’une société alternative…
Rédactrice en chef spécialisée en CBD
Je suis passionnée et convaincue par le pouvoir des plantes que nous offre la nature et je me suis spécialisée autour du CBD. J’apporte mon expertise sur le sujet et des informations claires sur l’univers du CBD et son actualité, à travers mes articles de blog.
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